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Lire aussi :

L'accompagnement bouddhiste à la fin de la vie
- (Le texte en 4 parties) -

Partie 1/4
Mourir, comment faire face à cette étape de la vie la plus personnelle et intime ?

Partie 2/4
Les quatre bonnes façons pour agir en compassion

Partie 3/4
Les quatre actes nécessaires pour avoir l'esprit en paix au moment ultime.

Partie 4/4
Conduire un souffrant vers une fin sereine - (Un cas expliqué) -

 

Attitude bouddhiste pour aider les grands malades dans la douleur et la souffrance ultime.

 

DITS SOUS LE CERISIER
Enseignements de maître Kengan

Une attitude bouddhiste
pour aider les grands malades dans la douleur et la souffrance ultime.

L'épreuve de la confrontation directe avec un grand malade est toujours désespérante. Sur le plan pratique et immédiat on est mal à l’aise, on a peur de manquer l’occasion unique – parce qu’ultime – de faire du bien à la personne qui souffre de quitter ce monde.

Emotions, pudeurs, inexpérience se mettent en travers de la bonne intention d’apporter l’aide. Que ceux qui éprouvent ces craintes soient rassurés : dans de telles situations inattendues, il n’y a pas besoin d’être sûr de soi, mais il s’agit d’être sûr de ce qu’on fait. Voici quelques pistes de bon sens fondées sur l’expérience de la pratique de la compassion d’un bouddhiste pour approcher une personne qui est à la fin de sa vie.

Toutefois, des personnes ont été bien aidées, ont-elles dit, par les enseignements bouddhistes de l'article "Accompagnement bouddhiste à la fin de la vie"

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La fin de la vie ne signifie pas obligatoirement perte
de l’intelligence, de la conscience de soi, et des émotions.

Quelle qu’en soit la cause (une maladie longue ou fulgurante, un accident brutal ou la sénéscence progressive et inéluctable, etc.) la fin de vie est le résultat de la perte plus ou moins rapide de la force vitale. Pourtant cela ne signifie pas obligatoirement la perte de l’intelligence, de la conscience de soi, et des émotions. Si l’on veut que le message religieux d’apaisement soit efficace, il faut l’apporter avec une attitude qui permette son acceptation malgré le vécu dramatique de l’agonie. Un humilié de la souffrance attend un miracle qui le délivrerait de sa douleur physique ou morale. Seul un aidant humble peut le faire.

 

Les quatre actes salvateurs

Comme on l’a vu dans l’article « Accompagnement bouddhiste à la fin de la vie » la paix de l'esprit est générée chez tout homme quand il se réconcilie avec lui-même et tout ce qui lui est arrivé dans sa propre vie. Cela est facilité par l'aspiration naturelle à une vie meilleure et la concentration dans une méditation.

C'est ainsi qu'il est important :

1– d'exprimer son pardon (jap. shazai) envers ceux qui ont fait du mal, car le lien de la rancune, de la rancœur ou pire de la détestation, de la haine, est aussi un agrippement à ce monde. Cet attachement est un obstacle à la paix de l'esprit complète qui devrait accompagner l'arrêt des fonctions biologiques.

2– d'exprimer son repentir (jap. sange) qui permet de purifier son esprit en rendant conscient des conséquences de ses actes, et qui permet d’admettre « contre mauvaise fortune bon cœur » les malheurs qui échoient en conséquence de ces actes. Et en particulier, le moment de l’agonie qui est l’aboutissement de millions d’événements de la vie et qui expliquent qu’on a plutôt un cancer, ou plutôt un infarctus, et que tout va très mal. Et que tout cela est dû aux comportements, aux paroles, à la ligne de conduite choisie pour mener sa vie. Et dont le résultat final fait qu’on peut mourir d’une belle mort, content, dans son sommeil, en zazen, ou alors souffrir d’abominables douleurs. C’est la loi du karma. Donc, exprimer son repentir permet de purifier son esprit en admettant tout ce qui s’est passé dans sa propre vie. A cet égard, notre rôle de religieux est ici important comme soutien.

3– de " donner libre cours à son aspiration à l’éveil " (jap. hotsu bodaishin). Il est possible d'accomplir cet acte, même si l'on n’est pas bouddhiste puisqu'il s'agit de l'expression du souhait d'accomplisement de la plus haute forme de vie spirituelle. C'est une question de choix dans la formulation.

4– et, si l'on est prêt à cela, pratiquer le Recueillement (sanzen), à l’exemple du Bouddha Shakyamuni au moment de sa propre mort.

 

La compassion naît d’un triple état d’esprit :
être joyeux, paternel-maternel, et magnanime.

Le maître zen Dôgen nous explique que la compassion d’un bouddhiste s’exprime dans la relation à autrui à partir d’un triple état d’esprit : être joyeux, aimer en "bon père/mère de famille" et être magnanime.

Un esprit joyeux est un esprit de gratitude et d'optimisme.
Un bouddhiste est joyeux parce qu’il considére que si tout lui était facile dans la vie, il serait probablement attaché uniquement au bonheur charnel de cette existence et il n’envisagerait même pas de donner libre cours à l’aspiration à l’Eveil. Un bouddhiste éprouve une immense gratitude d’être né sous la forme d’un être humain et d’avoir un corps en bonne santé à sa disposition. C’est uniquement sous cette forme qui lui permet d’entendre et de mettre en pratique les enseignements de sagesse qu’il peut envisager d’être à son tour un éveillé, un bouddha. C’est le résultat de bonnes causes et conditions sur des périodes cosmiques immenses. Le mérite de cette bonne fortune ne se dégradera jamais. Avec cette certitude l’aspirant à l’éveil ne peut que vivre dans la joie et la gratitude. Quand vous donnez vos encouragements spirituels, faites-le avec le désir de rassembler toutes vos énergies et de les concentrer dans chaque moment de chaque jour pour qu’elles ne fassent qu’un avec la Réalité d'un éveillé. Voir les choses avec cette attitude s'appelle l'esprit de Joie.

L‘esprit de parent (jap. rôshin, littéralement : l’esprit d’une personne âgée, qui évoque la tendresse d’une grand-mère pour ses petits enfants) est l'esprit paternel et maternel.
Considérez ceux qui souffrent de la même façon qu’un père ou une mère prennent soin de leur enfant unique. Un parent aime et élève son enfant avec une grande attention, en dépit de sa pauvreté ou des circonstances difficiles. Quelle est la profondeur de cet amour ? Seul un parent peut le comprendre. Un parent protège l'enfant du froid et l'abrite du soleil brûlant sans se soucier de son propre bien-étre. De la méme façon, lorsque vous répondez à la demande d’aide spirituelle d’un souffrant ou que vous lui donnez des soins, faites-le avec l'affection et le soin attentif d'un parent élevant son enfant. Shakyamuni a sacrifié vingt années de son espérance de vie pour prendre soin de nous dans cette période de dégénérescence du Dharma. Quelle était son intention ? Il montrait tout simplement son esprit de "bon père de famille". Un Eveillé ne faisant pas les choses dans l'attente d'une récompense ou de la gloire, il l’a fait sans condition, sans aucune arrière pensée de profit ou de gain.

L'esprit magnanime est stable et impartial comme une montagne. A l'instar de l'océan, il est tolérant et considère tout du point de vue le plus large. .
C’est la « grandeur d’âme » (lat. magna anima). Il n’y a plus de discrimination. zCelui qui regarde toute chose, tout événement, sur le fond d’un large panorama apprécie tout dans un contexte où toutes les dimensions diverses sont ramenées à une valeur unique. Comme symbole de cette unicité, on peut écrire le mot « magnus » qui veut dire grand, large, vaste. Fort de cela, quand vous êtes au chevet d’une personne difficile, mesquine, agressive, effrayée ou dans la plainte, dépouillez-vous de toute pensée discriminante, de tout jugement de valeur sur cette personne, sur ses attitudes et ses idées. Prenez de la hauteur, voyez large ! Comme point de vue suprême pour soulager sa souffrance ne considérez cette personne que du point de vue de son accomplissement spirituel ultime à l’exclusion de toute considération égoïste, égocentriste, égotiste de sa vie.

Dans l’article « Accompagnement bouddhiste à la fin de la vie », j’explique aussi les « quatre attitudes d’un aspirant à l’Eveil pour aider autrui et le conduire sur le chemin de l’Eveil ». Ces attitudes sont les moyens de mettre en oeuvre les trois états d’esprits caractéristiques de la manifestation de la compassion.

L'attitude du don

Pour aider un souffrant, il faut
et « lui faire don de notre ignorance de la mort »
et « accepter son don de son expérience de mourir. »

Il s'agit de faire don de soi, non seulement de son temps, de sa bonne volonté, mais surtout de sa propre aspiration spirituelle. Malgré notre bonne santé, nos certitudes philosophiques et notre foi inébranlable en notre religion, il faut commencer par « faire don de notre ignorance » ! Et pourquoi ? Parce que nous ne savons pas ce que c’est que « vivre sa propre mort », tout simplement. En revanche celui qui souffre son agonie, nous fait un don inestimable. Il nous fait prendre conscience de notre propre agonie. Il nous rappelle la nécessité de « ne pas laisser passer le temps en vain [sans pratiquer l’éveil] » comme nous le dit le maître Sekitô Kisen dans le Sandokai. Pour qui veut aider il faut commencer par oublier qu’on est « indispensable », oublier l’importance de ce moment, ne pas se prendre au sérieux mais porter sérieusement son attention sur ce qu’on sait faire ou dire à la personne. On doit même parfois « oublier » sa propre qualité de bouddhiste et le jargon qui va avec. Faire confiance à sa propre foi et la laisser s’exprimer toute seule sans en rajouter. Voilà le « don ».

L'attitude d'empathie

Il faut abandonner l’idée que « l’autre » est malade.

— Quand on aborde une personne à l’agonie, ou tout simplement avec un pronostique incurable à plus ou moins long terme, il faut se départir – soi-même ! – de sa bonne santé. Cela ne veut pas dire qu’il faille tomber malade ou blesser son corps. Ici, il faut abandonner l’idée que « l’autre » est malade !

— De l’empathie est nécessaire ici, pour vivre la souffrance de l’approche de la mort avec la personne qui nous écoute, sans pour autant la subir. Il faut l’approcher avec le coeur ouvert à toute éventualité en réduisant son propre élan émotionnel.

— Prenez le temps. Il faut être conscient que la personne malade a peu d’énergie, et que celle-ci lui est utile pour gagner du temps contre la mort. Il faut protéger cela. Il n’est alors pas question d’épuiser ce reste d’énergie dans des polémiques, des histoires conflictuelles anciennes ou des sermons prolongés. De toute façon, ces arguments sont vraiment de peu d’utilité pour un mourant en un tel moment.

— Cette personne n’est pas stupide, elle est très malade ou blessée et elle est très probablement fort éloignée de vos propres préoccupations ou de vos bonnes intentions. Et il faut la respecter en tant que personne responsable de la tournure qu’elle veut donner à sa vie ! Même si – quand bien même c’est choquant – elle réclame la mort pour abrèger ses souffrances. Ce qu’un bouddhiste ne peut faire, ni acquiescer en vertu de la Règle de vie d’un aspirant à l’éveil, qui est de « ne pas couper le cours de la vie. » Un bouddhiste, cependant, a l’esprit magnanime et ne porte pas de jugement, ne condamne pas : il guide !

— Il faut donc apporter le soulagement spirituel sans ajouter à la désespérance psychique. Pour cela cultivez votre compassion pour comprendre que l’usure des nerfs à vif vingt-quatre heures sur vingt-quatre malgré les médications modernes, engendre tout naturellement la désespérance même chez la plus solide des personnes.

— Il faut aussi avoir l’humilité d’admettre sans s’affliger que l’on puisse échouer à donner le meilleur. Il arrive que la distance entre les idées préconçues de toute une vie de la personne et la Bonne Loi bouddhique qu’on lui expose, lui est infranchissable en son état psychique actuel. Il arrive que deux opinions puissent être incompatibles ici et maintenant. Parfois, la « parole de sagesse » qui aurait dû l’éclairer s’est noyée dans le marécage d’autres préoccupations égoïstes parasites. Oui, le fil du rasoir sur lequel on avance pour faire traverser sur la rive de la paix éternelle (nirvana) est très mince !

L'attitude pour parler avec amour

Le langage corporel et les expressions faciales
communiquent votre véritable esprit
plus que vos paroles.

— Parlez à cette personne directement, à elle ! Surtout ne vous adressez pas aux autres personnes présentes pour lui parler d’elle.

— Si vous ne pouvez parler (gorge nouée,...), communiquez par un contact physique : prenez-lui la main, tapotez son épaule ou touchez son pied, cette personne aura conscience de votre présence et confiance en vous.

— Cherchez son regard. Si la personne ne peut communiquer verbalement ou gestuellement, regardez-la d’autant plus droit dans les yeux. Si elle ne voit pas, et ne communique pas, assurez-vous qu’elle « est avec vous » en constatant – toujours par le contact – les changements de rythme de sa respiration, ses tremblements, les vibrations cutanées ou l’élévation de la température. Elle est enfermée dans ce corps – allez l’y chercher pour la réconforter.

— Pour lui formuler ce qu’on veut lui dire, il faut s’approcher d’elle, lui parler lentement en prononçant clairement les mots. Selon son état il convient de répéter plusieurs fois ce qu’on dit. Prendre en considération, dans certains cas, qu’elle a oublié beaucoup de choses de sa propre vie antérieure à cause de son traumatisme. Partir du point de vue qu’elle ne connaît rien mais que les moyens cognitifs de réapprentissage sont présents. Et répéter ce qu’on a dit, depuis le début, encore et encore. Soyez aussi patient avec elle à la vingtième réitération que la première fois. Pourtant ne « bêtifiez » pas ! même si vous avez l’impression d’avoir devant vous un bébé dans le corps d’un adulte.

— N’oubliez pas que votre langage corporel et vos expressions faciales lui communiquent votre véritable esprit parfois plus immédiatement et plus crûment que vos paroles, surtout si ses facultés du langage sont atteintes. Alors attention à l’expression de vos émotions !

— Même si elle ne donne pas signe de vous entendre, n’élevez pas la voix. La personne n’est pas sourde elle est seulement blessée ou très faible, peut-être même dans les limites du coma.

— Posez des questions ouvertes, de celles qui donnent plusieurs possibilités de choix où elle peut exprimer sa sensibilité ou son émotion. Evitez les questions fermées à réponse « Oui/Non » dont le choix est éminemment pénible et angoissant à décider pour quelqu’un dont les idées sont embrouillées.

— Posez-lui des questions qui appellent des réponses spécifiques. Laissez-lui le temps de chercher une réponse. N’évaluez pas ses capacités cognitives par la rapidité avec laquelle elle peut réfléchir.

— Concentrez-vous sur ce qu’elle est capable de faire, au lieu de vous plaindre de ce qu’elle est incapable.

— Faites l’effort de vous retenir de terminer ses phrases pour elle et ne lui fournissez pas les mots qu’elle n’arrive pas à trouver : elle a besoin de faire travailler son cerveau. Pour autant bien sûr que cela ne l’épuise pas.

L'attitude pour agir pour le bien de l'autre

Faire venir un conseiller spirituel
de la religion de la personne souffrante.

— Ne vous contentez pas d’apporter le message spirituel pour lequel on vous a mandé. Hors de la chambre activez les énergies positives des membres de son entourage proche.

— Organisez – si cela n’existe pas – une petite bande bénéfique de ces gens pour qu’ils montent une garde aimante et attentive autour d’elle. Faites savoir à tout le monde qu’ils doivent lui envoyer leur amour, leurs bonnes intentions. Tenez-les au courant de son état et demandez-leur de faire quelque chose de bien précis pour la soutenir.

— Respectez le pouvoir guérisseur du sommeil. Un malade se fatigue vite. A force d’insister pour le convaincre vous le perdez. Partez avant de l’avoir usé, mais toujours après lui avoir demandé de prendre congé et dit "Au revoir".

— Faites pénétrer si possible la pratique religieuse par la pratique des gestes. C’est ici le vrai rôle des rituels religieux.

— Faites venir un conseiller spirituel habilité de la religion de la personne souffrante (moine bouddhiste, prêtre catholique, pasteur protestant, pope orthodoxe, imam musulman, rabin juif, etc...). Il est primordial qu’au moment de sa plus grande souffrance où plus rien n’a de substance hors la peur de l’au-delà, elle obtienne le secours de la foi qui lui a donné les repères pour conduire sa vie tant qu’elle était bien portante.

Il n’y a pas besoin d’être un religieux
pour encourager l’élan spirituel
et la pratique du Recueillement.

— Toutefois, faute d’être vous-même un religieux habilité aux rituels sacrés, il n’est pourtant pas nécessaire d’être grand clerc pour faire se recueillir le malade allongé dans son lit, lui faire réciter silencieusement un mantra, ou les voeux d’aspirant à l’Eveil à l’aide d’un rosaire et lui mettre à portée du regard une image sainte ou une statue du Bouddha pour qu’il puisse y poser les yeux, la toucher des mains et des lèvres. (On utilisera évidemment leur équivalent de la religion d’origine de celui qui n’est pas bouddhiste.)

— Faites-lui faire cela en lui montrant comment vous faites afin qu’il vous imite.

Hélas, ce court papier ne couvre pas tous les cas !

Que cela, au moins,
vous aide à aider !

Pour conclure ce codicille qui n’est pas exhaustif à l’article « Accompagnement bouddhiste à la fin de la vie » publié dans ce même site, j’ai bien conscience que les quelques conseils ne couvrent pas toutes éventualités et tous les cas particuliers. Je vous les livre tels que l’expérience et la réflexion me les ont fait apparaître. Ils méritent chacun un plus ample développement qui viendra sans doute au fil du temps.

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